T'entendre me dire, droit dans les yeux, "Tu ne resteras qu'une amie." et devoir te répondre, toujours droit dans les yeux et avec le sourire, "Oui, je sais.". Essayer de ne pas fondre en larme et de garder une contenance devant toi. Trouver un prétexte pour fuir, vite, alors que ça serait le moment parfait pour te dire exactement tout ce que j'ai besoin de te demander et de te dire. Prendre la bouteille de vin vide devant moi sur le muret et rentrer dans la maison. Poser la bouteille dans le sac, avec toutes les autres bouteilles vides. Aller s'isoler un moment dans les toilettes. S'asseoir sur la cuvette et poser ma pauvre petite tête sur le mur d'en face. S'apitoyer sur mon sort, me dire combien je suis triste et combien tu m'as fait du mal en me disant ça. Me relever, tirer la chasse, m'adosser au mur, en face du miroir. Me regarder. "Est-ce que c'est vraiment moi cette fille-là? Est-ce que c'est moi qui ai l'air si pitoyable, avec les yeux rougit à cause des larmes? Est-ce que c'est vraiment à moi que ça arrive?", et l'inévitable question, qui reste toujours sans réponse: "Pourquoi?". Se ressaisir, pour paraître normale devant toi, devant eux. Aller couper les patates épluchées. S'acharner dessus, car les mains tremblantes n'aident pas. Refuser ton aide. Se louper, manquer de se couper, faire tomber un bout par terre. Mais ça fait du bien de découper quelque chose. Enlever mes chaussures à talons, Bleues, que j'avais mises dans l'espoir que tu me trouve jolie avec, que tu aimes la façon dont elles enjolivaient mes jambes. Prendre des chaussettes, essayer de le mettre et me dire que non, définitivement, j'ai trop froid aux pieds. Aller dans la salle de bain, allumer la douche et diriger le jet sur mes pieds frigorifiés. Sortir de la douche et mettre mes grosse chaussettes. Vous rejoindre dans l'autre pièce. Essayer de rester avec vous, avec toi. Mais ne pas y arriver, ne pas supporter. Sentir que je n'ai plus la tête aux festivités, que je fais tache dans le décors de vos rires. Alors, monter dans la mezzanine et m'enfouir dans la couette, histoire de faire croire que c'est parce que j'avais froid que je suis montée. Répondre "Oui, tu peux prendre la guitare si tu veux.". Ecouter mon ami jouer de ma guitare. Et laisser couler les larmes quand tu te mets à chanter Wonderwall. Et puis finalement ne pas le supporter de t'entendre chanter, d'aimer ta voix. La voir me regarder de temps en temps et comprendre que, oui, elle voit que je pleure. Elle monte l'échelle, lui faire non de la tête, mais c'est pour m'apporter un mouchoir. Elle comprends bien que je ne veux pas de câlin. Pas maintenant. Accepter l'assiette qu'on me tend et manger sans aucun plaisir. Les écouter rire et parler. Tu me regarde parfois, et là, je suis la meilleure des actrices, je réprime mes larmes et arrive à faire des grands sourires et répondre à tes grimaces. Avoir envie qu'ils se barrent. Les entendre parler d'un truc et avoir envie d'en placer une. D'abord, ne pas oser de peur de me trahir à cause de ma voix qui pourrait être éraillée. Puis finalement y arriver. Voir que tu commences à rassembler tes affaires, sécher mes joues pour que tu ne vois pas que j'ai pleuré. Tu montes l'échelle. Te faire la bise, puis te tendre mon assiette vide pour que tu la descende. Sentir les larmes monter une fois que tu es descendu et éclater à peine la porte fermée derrière toi. Elle monte pour me soutenir, il continue de jouer de la guitare. Exploser, littéralement. Avoir du mal à se contenir. Avoir envie de tout casser. Se recroqueviller sur moi-même. Avoir du mal à respirer. Trembler de partout. Avoir mal. Être profondément blessée. S'en vouloir d'être comme ça. Il monte à son tour. Pose sa main sur mon épaule. Ils essayent de trouver des choses à dire pour me réconforter. Pleurer encore plus quand il m'appelle ma belle. Avoir envie de hurler. De dire "Non. Non, je ne suis pas belle. Sinon, il serait là avec moi, sinon, je ne serai pas dans cet état.", mais ne même pas être capable de dire quoi que ce soit. Se recroqueviller encore plus, la tête dans les mains. Puis, au bout d'un moment, se calmer. Puis, se redresser. Descendre l'échelle, aller aux toilettes. Se retrouver une fois encore en face du miroir, les yeux tout noir à cause du maquillage qui a coulé. Je voulais être belle pour toi ce soir, et non pas ressembler à une folle dépressive, à un zombi. Se démaquiller puis ressortir. S'asseoir et tenter de rouler une clope. Ne pas y arriver tellement mes mains tremblent. Prendre la cigarette qu'on me tend et l'allumer. Fumer, et laisser encore quelques petites larmes s'échapper. Parler, un peu. Fumer, encore. "Je suis désolée, mais j'veux pas rester toute seule." Puis, aller se mettre en pyjama, déplier le canapé pour eux et aller se coucher. Toujours aussi triste. Toujours aussi blessée. Penser à toi. Me dire que plus jamais tu ne seras avec moi dans ce lit, plus jamais tu ne serreras dans tes bras, plus jamais tu ne tiendras ma main dans la tienne, plus jamais tu ne m'embrasseras... Fermer les yeux et essayer de dormir, tout en sachant que trouver le sommeil ne sera, de toute façon, pas aisé.
Et, au bout d'un long moment, sombrer.
Et, au bout d'un long moment, sombrer.
J'aurai voulu que ça se passe autrement ...